la la première question c'est ben vous êtes arrivés dans le coin depuis longtemps + euh + et et + qu'est-ce que vous en pensez et cetera + alors + ça risque d'être un peu particulier si le coin n'est que le cimetière + où habitais-tu alors moi + euh + je dis toujours que je suis une Parisienne + on me regarde on me dit parisienne je dis euh + parisienne parisienne de parents parisiens de grands-parents parisiens (ah oui) et euh même pour certains d'arrières-grands parents parisiens + donc euh donc oui moi et puis alors autre point euh important euh jusqu'à l'année dernière j'ai j'ai quarante-deux ans hein jusqu'à l'année dernière je n'avais jamais vécu ailleurs qu'à Paris + j'ai beaucoup voyagé + j'adore ça c'est très important pour moi + je fais beaucoup voyager mes enfants + au maximum et j'aurais adoré vivre ailleurs qu'à Paris + euh j'avais euh à un moment pensé vaguement à un Erasmus et cetera mais au final + je ne suis jamais partie + alors je triche un petit peu parce que je suis euh + je suis née à Neuilly donc sur mon acte de naissance c'est Neuilly + mes parents habitaient à l'époque Porte de Clignancourt donc à trois jours de vie j'ai réintégré Paris + et euh j'y suis restée jusqu'à vingt-cinq ans à peu près (mm) quand j'ai emménagé avec euh + avec ce qui allait devenir mon mari on s'est installés à Montrouge + et donc on était et c'était pareil quand même et c'était dans ta tête c'était alors oui et non (mm) + oui et non parce qu'on passait le périph + et euh et les gens que je recevais me me disaient mais t'es plus à Paris + je me disais quand même on est à cinq-cent mètres du périph + bon il faut pas exagérer non plus + mais c'est vrai que techniquement c'était pas Paris + que les gens qui vivaient à Montrouge pour beaucoup ne n'étaient pas parisiens c'est pas Paris le périph + ils ils restaient dans leur coin de Montrouge ou quand même là c'est tellement proche alors nous en plus on on marche avec mon mari on marche en ville + (mm) moi je suis pas une randonneuse (mm) mais j'adore me promener en ville + beaucoup + donc on faisait des dimanches entiers on allait marcher dans Paris on on était encore très connectés à Paris + j'ai l'impression que les gens de Montrouge euh + probablement aussi ne serait-ce que par le travail + mais le dimanche matin tout le monde va faire ses courses au marché de Montrouge + et on va au supermarché qui est en bas de chez nous à Montrouge + on s'est mariés du reste à la Mairie de Montrouge + et il était question à ce moment-là euh + de des enfants qu'on aurait le maire nous a dit prévenez-nous parce qu'on doit prévoir les classes les places à en crèche + donc il y a il y a quand même une centralisation sur Montrouge même si de facto alors moi je travaillais à ce moment-là à Boulogne mon mari travaillait à Saint-Ouen + et on passait notre vie à Paris parce que nos amis étaient à Paris nos activités étaient à Paris et cetera + mais il y a quand-même cette identité + euh de Montrouge + et puis notre fils est né + et on a du prendre un appartement on a déménagé à la Défense + et la Défense euh alors on était côté Courbevoie les les gens imaginent la Défense comme un truc homogène ce que ça n'est pas du tout (mm) + euh plutôt par exemple X plutôt une ville chic + Courbevoie est une ville un peu plus prolétarienne + euh Nanterre est une ville qui peut être très prolétarienne et bah bah tu sais ma génération + euh a connu + le + il y avait la fac (mm) qui sortait de la boue et puis il y avait le bidonville (mm) + hein alors le Nanterre chic euh (mm) un un de mes ça dépend de l'âge un de mes oncles d'ailleurs est venu chez moi et m'a dit euh ah bah je suis heureux de voir quelqu'un heureux ici + parce que moi j'y ai vécu avant tout ça + et c'était pas drôle quoi (mm) + pas grosso modo + et alors Nanterre on réalisait pas forcément trop en s'installant là-bas parce que en plus on s'installait dans c'était une situation un petit peu compliquée + et on s'est installés là-bas par le un pour cent patronal (mm) + donc on avait pas trop le choix on s'est installés dans un appartement euh génial + qui nous semblait extraordinaire + qui donnait sur une voie piétonne euh verte avec la crèche en bas de la voie les la maternelle en haut de la voie dans un quartier très très chouette + mais ce qu'on avait pas forcément réalisé trop tout de suite c'est que en fait le + c'était un endroit très marqué (mm) + on était en fait sur la place Charras qui est une place un peu importante de Courbevoie + qui a des bâtiments des années soixante-dix des bâtiments d'habitations des années soixante-dix qui avait le quartier euh enfin le pâté de maison où on était + un nouveau quartier des réhabilité des années deux-mille + et qui est en fait à la limite entre la zone pavillonnaire autour de la gare de Courbevoie (mm) + et les zones euh ben de la Défense avec les buildings dans le sens où à ce qui était à l'époque la tour IBM était quasiment + à deux rues de chez nous (mm)+ donc on était sur cette frontière-là un pied dans le Dé- dans la Défense et un pied dans le vieux Courbevoie avec ses petits pavillons et ses et ses jardins + et on a + adoré cet endroit (mm) + mais vraiment euh et quand on disait on habite la Défense c'était très polarisant + par exemple pour mes beaux-parents euh qui euh habitent en région dans des endroits très verts la Défense c'est le symbole des tours + et on avait des des personnes qui nous disaient mais quelle horreur mais comment vous pouvez mais quoi mais qu'est-ce + alors déjà en expliquant notre situation c'était ah mais il y a des pavillons tout va bien + alors qu'en fait + en y vivant + euh nous on a beaucoup aimé + la Défense le grand Paris des tours exactement euh par exemple moi j'y allais y faire de la marche rapide + euh et puis ce que les gens oublient c'est que c'est un monde sans voiture + donc pour nous qui avions un enfant qui commence à faire du vélo à faire ce genre de choses + c'était un lieu de promenade extraordinaire + et puis la le parvis de la Défense c'est un endroit qui a euh + c'est un une zone événementielle (mm) + il y a tout le temps un concert machin euh + une activité ceci euh + l'été le soir il y a le club de danse qui organise des euh + des sortes de cours ouvert enfin des endroits ils mettent de la musique les gens dansent + donc en fait + les gens qui parlent de la Défense sont des gens qui y travaillent et qui du coup ne voient pas tout cet aspect-là (mm) + et la Défense c'est un vrai quartier d'habitation ce que les gens ne savent pas organisé en plus autour de patios + (mm) dans un monde piéton + donc ç- ça a ça a son charme aussi et puis au-delà de ça les tours pour certaines sont vraiment très belles + un un soir d'été les reflets du soleil dans les tours c'est quelque chose quand même d'assez euh + assez beau que nous on s'amusait à photographier par exemple + et puis euh + et puis en plus on est sur euh + sur l'axe de euh sur l'axe de de l'Arc de Triomphe +(mm) ce qui fait que quand moi je veux parcourais le parvis en marche rapide j'avais en fait en face de moi l'Arc de Triomphe à l'époque il était encore visible + avec une espèce de petit lac euh artificiel au bout du parvis juste avant la Seine + qui était très très beau + très chouette bon ça depuis ça a été remanié et alors on en part d'un endroit pareil quand même eh bien on en part euh bah parce que comme pour les mêmes raisons qu'on est partis de Paris pour euh + les mêmes raisons que beaucoup beaucoup de gens en fait on en part à cause de l'immobilier + donc notre deuxième enfant est né on avait techniquement les moyens de d'accueillir dans notre appartement + mais il se trouve qu'on avait pu mettre de l'argent de côté qu'on avait cette chance-là d'avoir un petit un petit capital et puis on s'est dit bah on voudrait acheter + et alors là acheter à Courbevoie c'était impossible on pouvait acheter cinquante mètres carré pourtant on avait quand même un une somme relativement conséquente + alors on a commencé s'éloigner un petit peu on a essayé Bois-Colombes Colombes et cetera + mais bon euh c'était on avait la chance d'avoir un donc un appartement par le un pour cent patronal donc assez grand assez confortable + l'idée c'était d'acheter mais sans perdre en qualité de vie + donc il fallait que le prix soit suffisamment bas pour qu'on puisse continuer à faire des voyages et cetera + mais qu'en même temps on gagne en espace + et c'est là que en fait euh on a fait des recherches + c'est c'est beaucoup moi qui m'y suis collée quand même hein (mm) + on on a trouvé en trois quatre mois euh on a fait ça un peu sur un coup de tête + euh une agence immobilière nous a fait visiter une ancienne un ancien corps de ferme + à Saint-Gratien dans le Val-d'Oise juste de l'autre côté de la Seine + (oui) et euh qui avait été complètement retapé alors on a pas acheté cette maison-là + on a acheté une autre maison mais qui elle était un ancien atelier de maréchal-ferrant + qui datait de dix-huit-cent-cinquante un truc comme ça + et euh et donc on a découvert cette petite ville de Saint-Gratien + sur laquelle on a eu un petit coup de coeur et puis on est aussi un peu on fait faire j'ai facilement des petits coup de tête + et donc on a acheté cet endroit cent-cinquante mètres carré euh pour des mensualités qui étaient vraiment euh + défiant toutes concurrences et pas tout à refaire et surtout ce qui pour nous était très important + l'autre paramètre c'était que euh + je travaillais un week-end sur deux et on avait qu'une seule voiture + et si je partais à et j'avais besoin de la voiture pour aller au travail + et donc du coup ça voulait dire qu'un week-end sur deux mon mari se retrouvait seul avec deux enfants + et qu'il devait pouvoir faire les courses avoir des activités et cetera tout ça à-pied + et ce qu'on voulait nous c'était une vraie ville c'était pas une ville dortoir + ce que n'était pas la Courbevoie par exemple Courbevoie était absolument pas une ville dortoir + et d'ailleurs pour venir à Courbevoie les euh + amis les parents des amis de mes enfants + donc euh il y avait les petits qui étaient en maternelle primaire et cetera + un certain nombre de parents étaient allés dans ces écoles + venaient de Courbevoie et n'avaient pas quitté Courbevoie + donc il y avait + pas mal de gens qui comme nous finalement ont été en transit même si c'était pas prévu comme ça à l'origine + et puis euh il y avait un certains nombre de gens qui pour qui il était hors de question de quitter Courbevoie enfin je me souviens d'une amie qui était devenue avocate qui était allée à la fac de Nanterre alors qu'elle aurait pu aller à Assas + parce qu'elle aimait cette idée de rester un peu + dans ce secteur hors Paris + complètement avec une identité forte qui était Courbevoie + et donc Saint-Gratien eh bien euh alors ça ça me parait le bout du monde alors Saint-Gratien ça parait le bout du monde évidemment quand j'en parle personne ne connaît + et Saint-Gratien en fait est bordé par deux villes qui sont assez connues Enghien et Argenteuil + et alors déjà Enghien pour la petite histoire sur mon l'un de mes premiers postes + euh j'avais un collègue qui venait d'Enghien et alors à l'époque je me disais mais qu'est-ce qu'on va faire à Enghien et je lui avais dit d'ailleurs + jeune et assez spontanée je lui ai dit mais qu'est-ce que tu fous là-bas à Enghien enfin c'est à l'autre bout du monde ok il y a un lac mais enfin bon ça va hein + bon maintenant je comprends beaucoup plus l'intérêt d'Enghien + et l'intérêt de Saint-Gratien et Saint-Gratien mais en fait c'- c'est vraiment une bulle + et là aussi alors il y a des gens qui euh qui sont nés et qui sont restés + il y a des gens qui viennent d'Epinay parce que à-côté d'Argen- de de Saint-Gratien il y a aussi en bordure Epinay + qui ont réussi et qui du coup cherchent des endroits un peu plus cossus un peu plus agréables ce qui est le cas de Saint-Gratien + et surtout Saint-Gratien c'est une petite bulle parce que elle peut f- c'est une ville qui peut fonctionner en vase clos + il y a le petit supermarché de ville + il y a il y en a même deux trois + il y a euh le marché il y a même un supermarché coopératif + qui euh est un supermarché créé par une coopérative de l'Aviron donc on a des produits frais + et + qui en plus a des accords avec euh des euh cultivateurs du des maraîchers bio et autre voilà voilà on a euh un cinéma qui est un cinéma d'art et essai on a une salle de théâtre + évidemment il y a les écoles le collège le lycée + euh il y a + un certains nombres de clubs de sport notamment un club d'escrime dans lequel il y a même une championne olympique qui a été médaillée cet été + donc il y a il y a quand même beaucoup beaucoup de choses et qui fait qu'on peut vivre en autonomie à Saint-Gratien + j'ai envie de dire un peu loin du bruit du monde et euh c'est pas forcément comme ça qu'on avait vu les choses surtout moi euh venant de Paris j'aime bien être au milieu de la vie + et puis finalement ben avec le temps alors on a acheté une première fois on a revendu cet été on a racheté autre chose mais à cinq cent mètres de là où on était + et finalement euh on a on s'est posé il y a + il y a un an + des questions très profondes avec mon mari puisque je venais de réussir le concours des IRA + j'avais réussi l'IRA de Lille donc je pouvais être nommée dans les Hauts-de-France en Normandie ou en Ile-de-France + et euh comme on aime la voile comme notre fils aîné est un passionné de plongée on s'est dit est-ce qu'on en profite pour partir au bord de la mer + est-ce qu'on lâche tout pour partir au Havre euh + Cherbourg enfin ce genre de chose + et on avait fait un calcul euh très basique qui est de se dire que euh + notre fils aîné a quatorze ans notre fils cadet à huit ans + dans cinq ans notre fils aîné vivra sa vie sans nous + notre fils cadet sera quand même pas mal autonome + on pourra recommencer à avoir nos soirées + à faire nos week-ends + et à ce moment-là on sera très heureux de retrouver nos amis parisiens on sera très heureux de retrouver euh toutes nos activités d'étudiants de cinéma de clubs de sport de ceci de cela qui finalement malgré tout restent à Paris + et euh Saint-Gratien à l'avantage d'être alors juste à-côté de la gare d'Ermont-Eaubonne il y a une ligne de train qui en un quart d'heure amène à Gare du Nord + une ligne de train qui en vingt vingt-cinq minutes amène à Saint-Lazare et le RER C + ce qui fait qu'on est jamais coupés de Paris même et c'était le soir même le soir ce qui est souvent le problème alors le soir jusqu'à euh minuit minuit et demi le dernier train doit partir à minuit une heure un truc comme ça + mais euh donc c'est pas infaillible c'est pas comme quand j'étais à étudiante à Paris où en fait on rentre à pied hein + (mm) euh à trois heures du matin quatre heures du matin on rentre à pied sans aucun problème quelque soit le quartier moi j'ai j'ai toujours fait ça il y a pas ça + on est euh limités pour ça + mais euh on on a envie d'aller voir une expo en une demi-heure on peut être à + ouais Gare du Nord je compte une petite demi-heure et vous le faites ah + pas tant que ça c'est là que je me suis rendue compte qu'on a quand même nos frontières mentales qui font que d'abord il y a ce côté bulle + il y a le fait que nous maintenant on a une bulle à l'intérieur de la bulle puisqu'on a maintenant une maison avec jardin (mm) + et euh et en fait on a parfois un peu de mal à quitter à quitter ça + (mm) mais on le fait quand même on va de temps en temps au musée on va voir ben la famille qui elle elle est toujours à Paris euh + l'année dernière on avait repris contact avec notre ancien club de sport on par- on pratique mon mari et moi on pratiquait un art martial + donc on allait spécifiquement à Richard-Lenoir même si c'était un peu le bout du monde + pour le plaisir de de voir des amis donc on on a quand même toujours ce lien là quoi d'accord + donc c'est drôle + et c'est bien tu dis mais moi je suis Parisienne évidemment et en même temps je ne le suis plus et en même temps Saint-Gratien mais ça montre que effectivement petit à petit les + les périphériques ne sont plus des frontières absolues oui hein et qu'il y a quand même des + des va-et-vient (mm) possibles alors pour la petite histoire j'ai travaillé au cimetière parisien de Pantin pendant quatre ans c'est comme ça que je suis rentrée dans l'administration et à la ville de Paris + et puis au bout de quatre ans j'ai passé deux concours le premier m'a amené à Bondy pendant quatre mois + où là vraiment j'ai eu beaucoup de mal + non pas parce que c'était un quartier pauvre l'image de Bondy et cetera et cetera mais parce que l'endroit où j'étais n'avait rien autour + il n'y avait aucune boutique il n'y avait aucun restaurant pour manger le midi et moi je travaillais dans un EPHAD j'avais pas d'autres solutions que les repas de l'EPHAD + euh et en fait ça ça a été assez violent pour moi et euh ça m'a même alors j'y allais en voiture mais à un moment euh j'étais sur Paris je j'allais dormir chez des amis tout ça + j'essayais d'y aller en transport ça a été l'enfer + mais vraiment j'avais jamais vécu ça + et j'ai compris que en fait euh mais ce qui est dit un peu partout que le problème de Bondy c'est pas Bondy le problème de Bondy c'est justement le lien entre Bondy et ce qu'il y a autour et le fait qu'il y a pas grand chose (mm) + alors je je nuancerai parce que j'ai connu des gens qui travaillais du coup plutôt dans le centre-ville où là il y avait des choses + mais le le drame de cet EPHAD et des tours qu'il y avait autour + où il y avait rien il y avait pas de boutiques il y avait aucune tu sais pourquoi distraction je sais pas pourquoi + mais euh mais en tout cas voilà ça ça a été un passage un peu rude qui a duré quatre mois + et au bout de quatre mois je passe un autre concours toujours Ville de Paris et là je suis nommée dans le quatorzième arrondissement à la mairie du quatorzième arrondissement + et là euh en plus du coup je retrouve un quartier que je connais parce que le quatorzième Porte de Porte de euh d'Orléans j'allais dire Porte de Clignancourt mais non c'est de l'autre côté de la ligne Porte d'Orléans + Montrouge et cetera je connais tout ça évidemment par coeur + je suis très contente de retrouver cet endroit-là les quartiers sont très agréables + et puis on a régulièrement des réunions à l'hôtel de ville enfin pas à l'hôtel de ville mais rue Lobau qui est juste derrière l'hôtel de ville + je me souviens un jour en sortant d'une réunion + on passe le pont de la Seine pour aller prendre le métro à Cité + et ma collègue me parlait et à un moment au milieu du pont je lui dis attends juste cinq minutes et là je je respirais je savourais j'ai dit ah ça fait du bien + ça faisait du bien de retrouver Paris + et c'est vrai que ça moi je le ressens quand même à chaque fois que j'y vais + et c'est en cela que je dis que je suis vraiment Parisienne + quoiqu'il arrive ça reste ma ville j'y vais toujours avec bonheur + toujours avec un vrai plaisir + là je suis sur un poste où je bosse bouge dans tout le quatre-vingt-douze et régulièrement soit dans le treizième soit dans le quinzième + et à chaque fois je me dis ah chic j'ai une journée de réunion dans le quinzième ou j'ai une demi-journée de réunion dans le quinzième je vais prendre le métro je vais me retrouver gare de Saint-Lazare que j'adore + je vais même c'est joli ce que tu dis parce qu'il y a à la fois le bonheur de s'arrêter sur le pont et de regarder couler la Seine hein (mm) que tu évoquais mais j'adore Saint-Lazare (mm) euh euh il y a aussi au fond l'atmosphère agitée (oui) de la ville te plaît (ouais) moi j'aime beaucoup ça après j'ai j'ai toujours aimé ça je me souviens que petite par exemple j'aimais bien les grands magasins à Noël + ce qui maintenant est un enfer pour la plupart des gens normalement constitués et ce qui l'était déjà à l'époque + mais moi j'aime j'aimais bien l'effervescence j'aimais bien la vie j'aimais bien ça + j'ai toujours aimé ça + et même les embouteillages dans Paris + euh l'autre jour je alors j'étais un peu coincée je me suis retrouvée avec une voiture + dans le treizième et je devais remonter à Saint-Gratien donc qui est dans le nord-ouest + j'ai mis euh plus de deux heures + mais + ce qui était dur pour moi c'est que en en réalité j'étais en retard + j'étais censée être à la maison m'occuper des enfants donc j'ai été très très en retard sur mon planning donc j'étais au téléphone avec eux pour gérer ça + mais la réalité des embouteillages + je le vis pas si mal que ça et je suis passée par l'intérieur de Paris (mm) + alors là pour le coup c'était autant ma volonté que Google Maps + ça collait bien ça m'arrangeait + mais euh mais en fait même les embouteillages à l'intérieur de Paris + ça ne m'atteint pas plus que ça alors je vais râler beaucoup parce que ça c'est ma personnalité au volant mais ça va quoi il y a + il y a une radio dans ta voiture oui + alors je en plus je mets la radio + (mm) donc j'ai les informations les émissions et cetera (mm) je suis contente je suis dans ma voiture je suis bien je suis heureuse + et puis bah il y a la ville qui défile autour de moi il y a les gens qui sortent du boulot qui ont leur petites vies et j'ai- moi j'adore ça + et quand j'allais à mon club de sport euh l'année dernière j'y allais le mardi soir donc je faisais la Garenne-Colombes Richard-Lenoir je mettais une heure + et + je sais que c'est très mal pour le climat pour tout ça + j'ai cette conscience-là mais en vrai au fond de moi c'était un vrai plaisir (mm) + donc euh donc euh je pense que par cet aspect-là je suis encore très parisienne (mm) + maintenant moi j'ai aussi un truc et attends j'ai oui une question + est-ce que il y a quelque chose pour les gens qui les caractériserait pour toi ou + qu'est-ce que c'est un Parisien + un vrai Parisien euh + alors un vrai Parisien euh ++ pour moi en plus moi je viens des quartiers populaires de Paris je viens du dix-huitième j'ai fait la Goutte-d'Or j'ai fait la Porte de Clignancourt j'ai fait la Porte de Montmartre + j'ai habité également à Belleville euh j'ai habité un petit temps dans le douzième sur la Coulée Verte du côté de Daumesnil + j'avais beaucoup plus de mal avec ce quartier-là que je trouvais assez vide le soir + j'ai été plus rassurée de rentrer à Belleville à à trois heures du matin en étant étudiante avec mes petites robes courtes et mes bottes en cuir + que dans le douzième + parce que dans le douzième je me disais si je crie il y a personne + donc euh je je pense que + les Parisiens c'est euh + il y a quand même toujours malgré tout + j'espère une dimension quand même populaire + c'est je sais que ça c'est beaucoup Airbiènbisé + que euh ces couches popula- -laires-là sont quand même beaucoup partis mais malgré tout notamment dans le quatorzième il restait encore un peu un Paris un peu populaire + et je trouve que les gens alors on va parler de bobos et je pense que moi je suis typiquement une bobo hein + mais euh + mais les bobos Parisiens + euh qui ne enfin les les franges qui ne sont plus pas populaires à Paris qui ne sont pas euh + qui ont les moyens + ce sont des personnes qui euh ne sont pas forcément nées avec + ce sont des personnes qui sont nées avec un vrai capital social mais pas forcément un capital financier + et qui du coup ont une culture qui est pas forcément euh une culture euh d'héritier bourgeois exactement + donc pour moi malgré tout Paris garde un côté un peu populaire même si ça s'efface même si c'est en filigrane il y a quand même encore ça moi je j'estime que je suis une bobo donc t'as rien à voir avec euh + le Paris ouest malgré la Défense bah euh ++ bah ma mère est née là-bas + ma mère est née là alors ma mère a habité euh du côté de la Maison de la Radio + elle est née à la clinique de la CGT + (mm) donc il y a un peu cet écart-là euh de même que mon père euh habite actuellement dans un cent vingt mètres carré du côté de Gambetta + ce qui est euh incroyable mais il est le fils d'un ancien des Halles + d'un ancien fort des Halles donc il y a il y a euh et je pense que ça assez pour le coup caractéristique des Parisiens + il le le Parisien moi je trouve est capable de grands écarts absolument fabuleux + en y réfléchissant ouais c'est peut-être ça leur leur caractéristique c'est c'est cette capacité à faire des grands écarts + et euh et du coup euh et qui du coup les rends plus tolérants que alors la Province non je dirais pas forcément ça + parce que le Parisien est quand même il faut le dire très fortement râleur + il peut être capable de euh hurler contre les contre les cyclistes et la fin des enfin la multiplication des pistes cyclables les les l'augmentation des embouteillages et en même temps être le premier à dire qu'il faudrait plus d'arbres dans Paris et moins de pollution + donc euh on on est euh on a auss- une manière de de + comment dirais-je de gérer la contradiction assez facilement + nous les Parisiens et euh je dirais qu'on a quand même aussi un côté grande gueule peut-être issu aussi de ce côté populaire-là moi je vois mon arrière-grand-mère que j'ai connue + qui euh qui était née dans le Poitou + mais qui était une caricature de la Parisienne enfin c'était une poissonnière + vous vous regardez Astérix franchement c'est les les les dames d'Astérix c'est ça + c'est euh + elle elle apostrophait les gens c'était impressionnant enfin il fallait pas être en face d'elle + donc il y a il y a ce côté un peu poissonnière populaire dans Paris malgré tout et qui ça + aussi reste je trouve quand on s'invective à coups de voiture en voiture à coups de klaxon euh et cetera + quand on c'est plus c'est plus le klaxon que la rhétorique malheureusement je trouve bah ça dépend avec les cyclistes ça reste très c'est pas après X bon d'accord moi je me souviens un jour j'allais me garer alors c'était p- c'était pas à Paris c'était juste derrière le périph à Saint-Ouen je vais me garer il y a une voiture qui je j'en- commence à enclencher ma marche arrière doucement tranquillement et là il y a une voiture qui me pique ma place + je vais me garer alors en plus j'avais eu du mal à la trouver donc je me regare un petit peu plus loin cinq dix minutes plus tard je repasse devant la voiture en fait j'ai tagué la voiture à coups de rouge à lèvres sur son pare-brise + bah voilà ça je trouve que il y a un côté un peu parisien comme ça + (mm) une invective euh p- + alors maintenant ça se déplace sur d'autres terrains ça se déra- -place avec les euh avec les cyclistes (mm) je suis la première à hurler sur les cyclistes et à faire du vélo dans Paris + je faisais du vélo dans Paris Place de la Tourelle et Place de Bastille à l'époque où il y avait pas de piste cyclable + donc voilà on on est quand même euh il y a ce ce côté quand même là très un peu bruyant un peu manifestant le Paris des manifestations oui + alors ça pour moi ça c'est euh + quand tu m'as demandé quel était euh le le la caractéristique un peu des Parisiens + pour moi Paris quand je veux expliquer Paris je parle des manifestations + c'est moins vrai maintenant et pour moi c'est un vrai sujet mais euh j'en parlerai après + euh j'ai une correspondante allemande que j'ai connue en sixième et qui est encore une amie + et qui était venue à Paris et à l'époque je me souviens je devais avoir une quinzaine d'années + euh + il y avait je ne sais plus quelle réforme à l'époque qui évidemment concernait les lycéens parce que quoi qu'il arrive à un moment ça concerne les lycéens + et euh + et donc du coup collégiens je sais même plus ce qu'on était toutes les deux + et donc du coup je lui ai dit ben écoute cet après-midi je te préviens on fait grève et puis il y a manif + elle me regarde et elle me dit pardon je lui dis non mais t'inquiète pas je t'expliquerai + et donc + euh j'embarque ma correspondante on prend le métro + et on se retrouve à Nation + et là c'était alors c'était des g- des manif euh style manif pour la réforme des retraites + et quand je dis ça je pense à celle de quatre-vingt quinze + que j'ai faite + à des + à l'époque + et donc du coup c'était ce genre d'énorme manif où le la tête du cortège arrive que la queue n'a pas complètement quitté Nation en général entre Nation et République ou entre République et Bastille enfin ce ce ce triangle d'or de la manif + un truc énorme + et euh évidemment il y a les sonos euh chaque euh c'est une compétition de sonos à chaque fois entre chaque groupe euh + syndical chaque euh chaque syndicat il y a les ballons il y a les fumigènes il y a toujours les euh cheminots et euh la métallurgie qui feront leur show + il y a évidemment les saucisses merguez faut pas faut pas plaisanter avec ça + et et donc ma ma correspondante absolument ébahie + me regarde et me dit mais c'est quoi ce truc et je lui dis bah ça tu vois ça c'est une manif + et et pour moi euh alors je peux parler de ç- de ça en province parce que je ne le connais pas + ça n'a rien à voir mais ça à Paris c'est incontournable + (mm) et je me souviens avoir manifesté donc en quatre-vingt-quinze + moi je suis de quatre-vingt-deux donc entre quatre-vingt-quinze j'étais pas vieille j'avais euh j'avais treize ans + je me souviens avoir manifesté toute petite en plus moi mes parents sont issus du monde enseignant donc un milieu quand même très syndiqué + euh je me souviens avoir manifesté enceinte de mon premier enfant c'était bon toujours sur la réforme des retraites + en deux-mille-dix + euh voilà il y a il y a cette tradition-là + et je suis très chagrine de ne pas avoir pu transmettre cette manifes- cette tradition-là à mes enfants c'est trop tôt pour savoir alors ce qui va se passer non parce que euh + moi je me souviens avoir manifesté sur les épaules de mes parents là je porte plus mes enfants sur les épaules + il y a il y a quand même eu un un cette rupture-là je commence à le faire avec le grand + qui a quatorze ans + le petit j'évite + parce que en fait on a connu un durcissement euh des du maintien de l'ordre à partir + un peu après deux-mille-dix grosso modo + qui fait que il est devenu dangereux d'emmener des enfants en manifestation si je + peux introduire un point pas de contestation mais + euh il y avait des services d'ordre + extrêmement bien organisés + à l'intérieur des manif + ils ont disparu alors moi je pense + pas forcément ça je pense que les codes de la manifestation ont changé + je vais prendre un exemple je me souviens d'une manifestation au lycée je devais avoir seize ans dix-sept ans + et avec une amie évidemment on sort place de la Nation comme toujours et en fait on était un peu en retard on avait traîné enfin voilà on était + euh et on sort de la bouche de métro et on se trouve littéralement entre les casseurs et les policiers + avec mon amie ni une ni deux on a fait demi-tour on a contir- on a contourné le truc on a du sortir à une autre euh bouche de sortie ça posait aucun problème on a rejoint la manifestation en tant que telle et là on était absolument en sécurité + on a pas vraiment eu peur parce qu'en fait on connaît ces codes-là on sait qu'en fin de manifestation il y a une sorte de jeu de euh de chat et de la souris entre les policiers et ceux qui sont là pour en découdre parce que il y a il y a toujours eu ça ça c'est pas nouveau + mais les codes faisaient que ça ne concernait que la fin de la manifestation que si on est au milieu ça ne pose pas de problème + et si on va voir X c'est c'est une technique éprouvée depuis toujours + moi dans ces cas-là je vais voir les policiers et je leur demande même directement où est-ce que je peux manifester euh + tranq- sans en sécurité + et en général ça se passait bien + (mm) donc ces codes-là fonctionnaient à partir de deux-mille-dix j'ai fait une manifestation euh il y a cinq ans + un peu moins quatre ans + euh + accompagnée avec mon père mais sans mes enfants on avait pris soin de ne pas prendre les enfants justement + on était absolument pas sereins + parce que en fait les rues sont totalement bouchées ce qu'elles n'étaient pas avant + et euh + avec des + forces de l'ordre qui sont visibles ce qu'elles n'étaient pas avant + avant on savait qu'elles étaient là mais elles n'é- ça n'é- tournait pas à la démonstration + et donc du coup je dirais que vraiment les les codes de la manifestation ont changé + ça fonctionne plus pareil + et euh + et je pense que euh représentants de l'ordre comme syndicats comme manifestants comme casseurs sont encore en train un peu de d'essayer de les de chercher de chercher le mode d'emploi + c'est comme ça que je le vois (mm) on en vient au cimetière quand même oui alors tu comment comment devient-on tu dis j'ai passé les concours de la ville de Paris alors c'est ça totalement par hasard moi j'ai une formation euh en en art + de manière globale j'ai une maîtrise de cinéma une licence d'histoire de l'art et archéologie une licence d'histoire + et euh j'avais passé un bac plus cinq en communication pour faire de la médiation culturelle + grosso modo c'était ça le plan + j'ai eu une petite expérience dans le privé euh dans la communication et puis je suis tombée je me suis retrouvée au chômage je suis tombée enceinte + et au bout d'un moment il a fallu que je retrouve du travail + bon tout allait pas trop mal jusqu'à la crise de la dette + or les budgets de communication sont les premiers budgets qu'on coupe (mm) + donc je me suis retrouvée + la trentaine avec une expérience trop faible pour pouvoir me vendre comme senior + avec une expérience trop importante et surtout pas de convention de stage donc je pouvais pas être stagiaire pour engranger un peu plus d'expérience + je euh + j'avais un enfant en bas âge ce qui est ça un peu rédhibitoire j'étais une femme + donc j'ai essayé un certain temps et puis au bout d'un moment un deux trois petits contrats mais qui débouchait sur rien + et puis au bout d'un moment bah tout simplement euh + j'ai euh décidé de passer les concours de la fonction publique et j'ai pensé aux bibliothèques + en fait j'ai pensé aux bibliothèques et du coup j'ai pensé aux concours de la fonction publique + donc je fais une prépa bibliothèque et puis j'étais dans une situation personnelle qui faisait qu'il fallait absolument que je trouve un métier quel qu'il soit + et donc j'ai passé tous les concours que j'ai pu j'en ai passé euh une grosse vingtaine + et ironie du sort + je me retrouve admissible à un concours sur lequel je m'étais inscrite en ligne à trois quatre heures du matin sans trop lire les petites lignes + qui était agent d'accueil et de surveillance principal + ville de Paris je me dis la ville de Paris a des musées + si c'est pour euh gérer l'accueil d'un musée ou euh sur- la surveillance des tableaux ça me va bien + et puis après on verra comment j'évolue donc je passe le concours au moment de l'écrit je me rends bien compte qu'il est pas question de musée + qu'il y a d'autre choses derrière il faut faire très attention je me dit parce que faut X qu'est-ce que c'est que ce truc et puis en plus je me retrouve alors à passer ce concours + euh on devait être deux mille + dans un sur un plateau de télévision de la Seine-Saint-Denis + qui avait été loué pour l'occasion et qui avait été vidé pour l'occasion + donc deux mille personnes deux trois mille personnes ouais c'est ça à peu près deux trois mille + euh assises chacun sur leurs petites tables à un mètre cinquante d'écart les un des autres c'était quand même un truc assez impressionnant + j'avais jamais trop vécu ça + et puis euh et puis à plancher sur des sujets où on me dit alors vous êtes responsable de la sécurité d'un grand cimetière parisien + une célébrité se fait inhumer comment vous organisez le cortège + à me dire qu'est-ce que c'est que ce truc + puis à répondre mais vraiment euh + alors avec ordre et parce que ça c'est quelque chose que je sais faire avec une certaine réflexion un peu de bon sens + à réfléchir bon alors quand je un truc d'expérience des manif peut-être + aussi + et donc du coup euh là je euh + je euh + je fais mon truc il y avait euh + une note de synthèse à faire + il y avait un rapport + donc on décrivait des des incidents qui se passaient dans une mairie comment je gérais la situation + et il fallait que je l'écrive dans un rapport + et puis j'avais un QCM euh sur euh + tout et + enfin un QCM plutôt sur l'administration par exemple euh + qui avait rédigé euh la Constitution de la cinquième République enfin ce genre de chose + bon un peu interloquée je me dis au point où j'en suis + je suis là je fais ce concours + je le passe et contre toute attente euh je suis admissible je passe un oral où euh là je me dis alors là il va quand même falloir que je + que je fasse + je je sais faire le grand écart mais alors un grand écart pour expliquer que je veux travailler dans la sécurité + là ça va devenir un peu compliqué (mm) + et coup de chance je passe un oral où les questions fusent sur des mises en situation où je me fais mais lessiver littéralement j'avais l'impression d'être un boxeur sur le ring + et euh la la cloche sonne avant qu'on ai le temps d'aborder mes motivations donc tout allait très bien + et sur les vingt concours que je passe je me retrouve admissible à celui-là + bon je suis admiss- je suis admise X sur liste admise sur liste complémentaire + et donc je me dis bon bah je verrais bien + je sais pas très bien comment ça marche au bout d'un moment j'appelle quand même la mairie de Paris en disant mais mais mais euh comment ça marche on me dit eh bah vous devez vous présenter à la réunion de demain ah bon ok + et elle me dit eh bah en fait oui il y a des gens qui se sont désistés apparemment on avait pas votre bonne adresse donc vous avez pas eu euh + les informations mais euh il y a une présentation des postes vous êtes attendue + et euh vous avez le choix entre des postes en mairie d'arrondissement pour gérer la sécurité des mairies d'arrondissement + dans les cimetières ou dans les parcs et jardins + bon j'assiste à la réunion qui présente les postes + les parcs et jardins je me dis hors de question jamais de la vie d'abord parce que les parcs et jardins euh en été ça ferme à vingt-et-une heures + moi j'ai un enfin en bas âge et j'y tiens + à mon enfant + ensuite les parcs et jardins la sécurité dans les parcs et jardins c'est quoi + c'est dire aux enfants qui sont montés sur les jeux que il faut pas monter sur les jeux parce que c'est dangereux + me faire engueuler par les parents des enfants qui sont montés sur les jeux parce que j'ai dit aux enfants qui montaient sur les jeux qu'il faut pas monter sur les jeux + virer euh des SDF qui n'ont nulle par où aller + empêcher des petits jeunes de fêter le BAC + ouh là là je me dis non ça vraiment + j'ai pas envie + (mm) vraiment pas + après il y a les cimetières les cimetières euh j'encadre une équipe ce qui n'est pas forcément le cas dans les parcs et jardins + ou en tout cas j'encadre une équipe mais je fais les fermetures avec eux ce ce qui m'intéresse très moyennement + euh les cimetières j'ai de l'opérationnel mais j'ai beaucoup d'encadrement + je me dis bon + euh en plus on parle quand même de métiers que je ne connais pas que je (mm) ne pratique pas donc je me dis faire de l'opérationnel sur un truc que je n'ai jamais fait de la vie + je le sens pas trop donc j'ai cherché des postes où j'ai pas trop d'opérationnel + donc il y a les cimetières où c'est un peu pas allez on va dire pas tout à fait moitié moitié mais euh + ouais à peu près ça + et puis après il y a euh + les mairies où les mairies j'ai grosso modo un parc de sites euh + et notamment de mairies et d'agents et il faut que j'ai que je fasse du management j'ai beaucoup de management + donc du coup je choisis + en un les mairies + en deux trois cimetières + parce que les mairies je sens que ça va être un peu compliqué l'état d'esprit un peu voilà + les gens que j'ai rencontrés en entretien ça a plus ou moins matché + euh les cimetières par contre j'ai eu un bon feeling avec les cadres que j'ai rencontrés + je me dis pourquoi pas en plus euh ce les entre- les infos que j'ai + colle à peu près avec ce que je pense en fait euh le maintien de l'ordre de la sécurité dans les cimetières + il y a de la sécurité bien sûr parce qu'il y a des métiers dangereux + mais euh mais en même temps on est quand même dans un contexte très particulier le funéraire + les gens ne sont pas là pour pour faire la fête sauf euh parfois si mais mais voilà c'est quand même beaucoup d'accompagnement et ça ça me plaît + bon + donc je pars sur les cimetières + et c'est comme ça que je me retrouve un matin on me donne un uniforme une paire de rangers un talkie-walkie on me dit vous êtes la chef des brigades responsable de la sécurité des biens et des personnes responsable de la légalité des opérations sur le site + bonne chance madame + j'ai de la chance j'ai un chef euh qui lui gère la sécurité de deux cimetières + j'ai un conservateur et une conservatrice adjointe qui sont sur le site + et j'ai euh + un collègue qui lui aussi ne venait à l'origine pas de la sécurité mais qui s'y est adapté qui a euh quatre cinq ans d'expériences + j'ai euh une deuxième collègue qui est X en fonction qui elle a plus de vingt ans d'expérience dans les cimetières mais qui est X en fonction et qui sera ma tutrice on m'explique entre les lignes que elle elle est prête à raccrocher les gants que sa précédente expérience avec ce le cadre qui était à ma place s'est mal passé + que il faut absolument que ça se passe bien avec elle + et ça tombe bien parce que moi + de toute façon j'y connais rien et ça me semble stupide de prétendre y connaître quoi que ce soit + donc euh je je l'identifie très vite comme ma sauveuse + et en fait effectivement on crée toutes les deux un lien qui perdure même encore aujourd'hui + donc euh je je débarque dans ce cimetière je découvre et là + je bascule dans un monde qui est vraiment à part + c'est-à-dire que quand je parle euh avec mes amis mon mari à chaque fois au début il dit non non mais laissez tomber vous pouvez pas comprendre c'est les cimetières + plus tard j'aurai une autre responsable dans d'autres cadres qui elle aussi avait travaillé en tant que cadre dans les cimetières elle me dit mais Anne quand on a encadré dans les cimetières on peut encadrer partout + et c'est vrai + c'est vrai euh les les équipes que j'ai euh encadrées j'ai rencontré + des problèmes que je n'ai jamais rencontré ailleurs + enfin j'ai il y a un agent de mon équipe qui a été révoqué deux fois + qui a été révoqué une première fois qui a attaqué la ville de Paris pour vice de forme qui a gagné qui a été révoqué une deuxième fois + mais j'ai vécu mais pourquoi quatre ans alors pour des choses hein bon la première fois je ne l'ai pas su la deuxième fois euh pour des choses bon voilà + c'était quelqu'un qui qui n'était euh + plus apte à travailler + fondamentalement + qui dans son rapport à l'autre + ne ne pouvait plus travailler + moi je dis que l'une des par- je dis très souvent que l'une des particularités de la fonction publique c'est qu'on em- emploie à des personnes qui ne sont pas employables ailleurs (mm) + on a cette mission (oui oui) de service public là + que personne n'assume vraiment mais qui est bien réelle + on emploie des gens qu'on peut pas employer ailleurs + moi je préfère avoir quelqu'un qui est imparfait une porte de cimetière + qui a des grosses lacunes sur le plan professionnel qui par exemple est incapable d'être à l'heure + qui a un savoir-être euh qui ne + qui fait qu'il n'est absolument pas employable dans le privé + mais qui fait bon an mal an + un petit peu de travail euh + que quelqu'un qui est à la rue + qui est à la rue objectivement à la société ça coûte beaucoup moins cher + c'est quelqu'un qui est intégré qui fait un petit peu + pas beaucoup mais qui fait + et ça euh c'était ce que je pensais au cimetière et c'était euh typiquement garder une porte de cimetière fait partie de ces métiers où on retrouve ces gens-là + alors pas que ces gens-là bien sûr mon équipe était très diverse + et alors attends mais mais quand même ces gens-là + c'est pas ceux qui creusent les tombes si aussi bien alors en fait + dans le cimetière où moi je travaillais euh les cimetières de Paris ce sont des choses + très des services assez lourds et moi j'étais + euh dans un dans le deuxième plus X le deuxième plus gros cimetière d'Europe en activité + donc on avait euh des très grosses équipes on avait une grosse charge d'activité + on a l'habitude de dans les cimetières parisiens de dire qu'il y a deux types de cimetières et il y a des cimetières + plus musées et des cimetières plus d'activités + les cimetières musées typiquement euh c'est le cas de Montmartre + Montmartre est très bon exemple on a une très forte affluence touristique + euh Montparnasse c'est le cas aussi + dans une moindre mesure c'est le cas aussi du Père Lachaise parce que le Père Lachaise a quand même une activité funéraire qui est pas négligeable non plus + mais euh mais très clairement les flots de touristes du Père Lachaise c'est euh (mm) c'est quelque chose qu'on ne mesure pas + c'est le site le plus le site touristique le plus visité de Paris le Père Lachaise X ça parce j'ai em- emmené mes petites-filles au Père Lachaise elles voulaient aller voir la tombe de Chopin et de Proust voilà parce que en fait euh le Père Lachaise c'est un site + qui a des célébrités donc qui est connu dans tout le de par le monde entier + donc quand les touristes reviennent chez eux en disant je suis allé au Père Lachaise les gens situent très bien + c'était un lieu avec assez cosmopolite puisqu'il y a des défunts de partout + euh et avec des sujets qui touchent tout le monde par exemple il y a tout les + monuments mémoriels euh liés aux camps de concentration donc forcément + quand il y a des personnes juives qui visitent le Père Lachaise c'est c'est quelque chose qui a du sens qui touche + et en plus et surtout c'est un endroit gratuit + on ne paie pas quand on rentre au Père Lachaise + c'est assez facile d'accès il y a le métro + c'est pas c'est pas Versailles + et c'est totalement gratuit donc euh les gens qui euh vont qui ont une journée à tuer ils ont mis + leur valises à la consigne avant de repartir prendre l'avion ou d'aller à la gare + ils n'y passeront pas trois heures comme le Louvre qu'ils ont d'ailleurs déjà fait + ils passent le temps qu'ils veulent comme ils veulent ils vont voir ce qui les intéressent ils ont aucunes contraintes et c'est complètement gratuit + donc du coup c'est très très visité + donc il y a ces ces cimetières musées là il y a les cimetières d'activités comme celui où j'étais + qui regroupe euh + à la très grosse louche entre cinquante et cent personnes entre cinquante et cent fonctionnaires + moi l'équipe que je dirigeais c'était une vingtaine de personnes + euh les euh les fossoyeurs alors donc du coup pour expliquer le le fonctionnement de ces cimetières-là + il y a + quatre équipes il y a une équipe d'administratif + qui euh gère la vie administrative du cimetière + il y a une équipe d'accueil et de surveillance qui gère la sécurité et l'accueil des usagers + il y a + une équipe de fossoyeurs qui à l'époque gérait toutes les activités de fossoyage + et il y a une équipe euh de cantonniers qui gère l'état du site et de la propreté du site + moi je suis arrivée dans pas de jardiniers + dédiés alors euh + pas dans mon cimetière ça c'est sûr + les cantonniers on quand même une partie jardinage puisqu'ils font tout le désherbage + tout le débroussaillage ce genre de choses + mais euh ils n'ont pas euh ils n'entretiennent pas les fleurs les plates-bandes et cetera tout simplement parce que euh les euh la ville de Paris a des équipes de jardiniers + qui par exemple pour la Toussaint vont intervenir pour fleurir le cimetière ah d'accord mais ça n'est pas interne au cimetière + après quand je suis arrivée au cimetière l'autre chose dont moi j'ai pris conscience très très très vite + et que je passais mon temps à répéter aux agents + de mon équipe c'est que euh il faut bien avoir conscience + que euh le cimetière était là avant nous et qu'il sera là après nous + on est sur un site qui a été ouvert en dix-huit cent quatre-vingt à peu près quatre-vingt quatre-vingt-dix ça s'échelonne mais cimetière de Paris c'est entre euh dix-huit cent soixante et dix-huit cent quatre-vingt-dix grosso modo + et donc du coup il est évident que c'est un endroit qui a une histoire que si on est dans le bureau dans lequel on est y a des raisons que il y a eu un avant et un après + qu'on est avec des gens alors on peut avoir un mois ou deux mois d'expérience comme moi à l'époque + mais qu'il y a des gens qui ont vingt ans d'expérience et qu'avant les gens qui avaient vingt ans d'expérience il y avait d'autres gens qui avaient vingt ans d'expérience et qu'il y a donc une histoire très très forte dans cet endroit + une histoire que l'on manipule littéralement à main nue + et donc du coup euh ça + on on est quelque part que de passage + il faut bien avoir conscience de ça + c'est la même chose que la maison que j'ai achetée qui a été construite en dix-huit-cent-cinquante euh les enfants étaient tristes de la quitter oui mais c'était notre maison mon fils aîné m'a dit tu crois que je peux faire un petit tag à l'extérieur je lui dis mais enfin Adrien on est de passage seulement + c'est cette maison elle était là avant nous elle sera là après nous + et et voilà c'est les cimetières particulièrement à Paris c'est très très vrai + particulièrement à Paris parce que après bon il y a des villes nouvelles partout il y a des c'est aussi un monde qui bouge hein beaucoup malgré tout et donc voilà ça c'est euh un point important et dans l'histoire des cimetières les cimetières parisiens euh + c'est très peu par rapport à ce que ça a été + on m'a expliqué par exemple que le cimetière parisien de Pantin à une période + avait des menuiseries + pour faire les cercueils + pour faire les étayages en bois pour faire aussi les corbillards avait des écuries pour gérer les chevaux des corbillards avait des ateliers de maréchal-ferrant pour gérer les fers des chevaux + avait euh des a- des ateliers de taillage de pierre parce que le cimetière où j'étais donc le cimetière parisien de Paris pour ne pas le nommer c'est cent-sept hectares donc cent sept hectares de voies pavées + donc du coup il faut les refaire régulièrement + j'ai j'ai alors j'ai oublié le nombre de kilomètres qu'il y avait mais ne serait-ce que l'allée principale + entre les deux entrées du cimetière qui n'est même pas la plus longue hein au passage + c'est euh trois quatre kilomètres + vous imaginez ça sur cent sept hectares enfin c'est c'est monstrueux en terme de taille donc les donc à l'époque il y avait un atelier de pour euh tailler des pavés et pour repaver les routes ça c'est les quelques exemples qu'on a pu me donner mais je suis sûre qu'il y avait plein d'autres corps de métiers que je ne connais absolument pas et à l'époque euh bah Pantin c'était une ville dans la ville + c'était vraiment un un oui une ville à part entière et à Pantin où j'étais il subsiste des pavillons + dont certains sont encore habités parce que certains postes + euh nécessitent de loger sur place + donc c'est un peu particulier quand même bah je sais oui non pas alors honnêtement euh moi je me suis posé la question d'y habiter + (mm) parce que c'est des superbes pavillons des années mille-neuf-cent avec un petit jardin ce qui quand même en centre-ville est euh + est un luxe incroyable alors après le problème du cimetière parisien de Pantin c'est que c'est coincé entre Pantin et Aubervilliers + le long d'une route nationale (mm) + qui quitte la porte euh de la Villette + bon il faut avoir envie quand même hein le quartier est pas très très engageant + mais euh dans d'autres endroits oui très volontiers oui oui d'accord et puis la question euh et puis les cimetières contrairement aux aux parcs et jardins les cim- cimetières + euh à dix-huit heures dix-huit heures trente je ne sais plus en été ils sont fermés + (mm) alors certes ils sont ouverts le week-end c'est un grand jardin ça fait un grand jardin dans un espace euh + ++ça fait un un jardin dans un espace très grand très vert + qui est calme le soir un peu moins le week-end mais enfin bon voilà quoi c'est euh c'est franchement pas désagréable très loin de là + et donc du coup euh les cimetières ont actuellement des gardes portiers + qui veillent sur la sécurité enfin qui ouvrent et ferment les cimetières et puis qui veillent sur la sécurité la nuit qui sont mobilisables en cas de besoin + ils ont des conservateurs qui pour certains habitent sur place pareil pour les conservateurs adjoints ils ont euh d'autres encadrants qui eux parfois logent aussi sur place + à la demande et donc du coup ben il y a un accord entre la ville et les personnes qui logent + euh soit il y a pas de loyer soi- mais en il y a une euh + il y a un assujettissement des astreintes du coup des astreintes ce genre de choses soit il y a un loyer euh + X je peux arrêter hein soit il y a un loyer modéré mais bon voilà c'est euh grosso modo euh c'est à + et alors c'est habité donc il y a là l'équipe + euh mais le public tu le voyais tu avais une (oui) activité (oui) d'accueil oui des gens parce que donc du coup euh les brigades d'accueil et de surveillance comme leurs noms l'indique font l'accueil des gens + réceptionnent les convois s'assurent que les convois qui rentrent sont bien les convois qui sont prévus parce que + euh lorsqu'un cercueil entre dans un cimetière euh théoriquement il n'en sort plus + (mm) en tout cas pas comme ça + donc euh un un corbillard qui rentre qui dit oh je me suis trompé de sor- de cimetière et qui ressort non + ça c'est pas possible ça se passe pas comme ça + euh donc du coup il y a un contrôle très strict du euh des corbillards qui rentrent + et puis euh et puis à la rigueur un corbillard qui rentre et qui dit je me suis trompé qui ressort de son plein gré bon non + ça t'es arrivée c'est possible ça non mais ça peut encore se jouer mais euh un corbillard qui rentre qui dit moi je veux enterrer telle personne j'ai fait tout ce qu'il faut pour et puis on se rend compte qu'au final non on peut pas le faire ressortir + (mm) donc c'est on peut se retrouver dans des situations administratives très complexes donc du coup il y a une vraie surveillance à l'accueil une vraie une vraie attention portée à l'accueil des convois + et puis ce qu'il y a c'est que comme Porte de Pantin est très grand ben on peut rentrer en voiture + tout les cimetières extra-muros de Paris donc il y a les cimetières à l'intérieur de Paris il y a les cimetières à l'extérieur de Paris ça c'est une une euh un point très important et j'expliquerai pourquoi après tous les cimetières extra-muros on peut y rentrer en voiture + donc du coup on a un flot de voitures dans Pantin qui est très important + et donc du coup forcément il y a des barrières pour que les voitures ne rentrent pas à n'importe quelle allure + xx une attitude qui euh qui euh qui convient la leçon répertoriée et cetera et cetera + donc tout ça fait que euh que oui il y a une vraie un vrai contact avec le public et puis surtout en France on enterre pas comme ça en France + il faut un représentant du maire ou le maire pour pouvoir enterrer sur la commune ne serait-ce que pour s'assurer de la personne qui est enterrée donc du coup évidemment madame Hidalgo ne se déplace pas à chaque enterrement + donc du coup les agents d'accueil et de et de police ont des agents assermenté qui ont la délégation de la maire pour pouvoir inhumer + donc ils assistent à chaque inhumation vérifient à chaque fois la légalité de l'opération l'identité du défunt et que tout est fait à la fois en sécurité et en respect de la législation + la législation est assez euh assez dense quand même en matière mortuaire parce que + euh le défunt est considéré comme une personne + comme une personne vulnérable + et donc du coup et ça moi j'y tenais beaucoup et ça a vraiment du sens + les euh les défunts euh + enfin moi tout au long de ma carrière d'ailleurs même indépendamment des cimetières j'ai toujours dit à mes agents + réfléchissez posez-vous la question de qui vous protégez + quand vous avez une reconnaissance de paternité + et que vous avez des doutes sur le papa qui vous protégez est-ce que vous protégez un enfant qui va devoir vivre avec un secret trop lourd pour lui est-ce que vous protégez un homme qui est dans une situation de faiblesse ça c'est quelque chose qu'on a pu voir et qui ne se rend pas forcément compte de ce qu'il est en train de faire ré- est-ce que vous protégez une famille qui euh + est en train de se constituer qu'a vrai projet familial et euh dans ces cas-là ça a peut-être pas vraiment de sens de lui mettre des bâtons dans les roues réfléchissez toujours à qui vous protégez + eh bien là dans les cimetières c'est la même chose + on qui on protège + est-ce qu'on protège euh la famille qui euh par exemple est victime de pompes funèbres indélicates est-ce qu'on protège le défunt qui est victime d'une famille qui ne le respecte pas qui ne respecte pas ses volontés ou ses souhaits + est-ce qu'on protège parfois même attends vous intervenez par exemple sur des cérémonies religieuses ça ça doit arriver le défunt libre penseur dit jamais de alors non ça on interviendra pas là-dessus là-dessus ça sera euh le juge de la famille qui interviendra + mais par contre euh + alors je cherche euh + je cherche des exemples concrets euh + je me souviens d'un enterrement + je me souviens d'un jour + j'étais à mon bureau ça commence toujours comme ça + le talkie résonne chef on a un problème alors non c'était même pas ça c'était euh + un monsieur une dame qui rentrent dans mon bureau et qui me disent euh bon écoutez voilà on est très en colère + ce n'est pas contre vous et votre équipe + euh on vous le dit juste pour que vous le sachiez + voilà notre grand-mère a été inhumée sans nous + pardon + euh oui elle a bien été inhumée ce matin à neuf heures et demi euh alors je regarde le planning je dis oui oui tout à fait + voilà euh ça n'est pas de votre faute + vous n'êtes pas euh en faute là-dedans + mais elle a été inhumée sans nous + on a pas été prévenus par les pompes funèbres + alors on aimerait que la personne qui était là nous raconte + donc j'ai appelé l'agent + pour qu'il raconte à la famille l'inhumation après évidemment on a f- fait plein de choses derrière parce que ça pouvait pas rester comme ça c'est insupportable pour une famille ce genre de chose donc on a euh avec la conservatrice adjointe euh + menez un certain nombre d'actions et cette famille a pu + faire euh une cérémonie d'une autre manière + pas exactement ce qu'elle avait en tête mais une vraie cérémonie et ils ont pu commencer leur travail de deuil + mais vous voyez ce genre de choses ça peut arriver c'- c'est et là + typiquement qui est-ce qu'on protège bah on protège une famille qui n'a pu pas et aux pompes funèbres pas pu faire son deuil on fait ça tôt pour pouvoir en fait ils ont + alors aligner X enterrements ils ont changé l'heure ce qui en soi peut arriver n'est pas forcément un souci mais surtout ils n'ont pas prévenu la famille oui oui oui + donc c'est vraiment donc il y a eu un certain nombre et donc là effectivement une erreur X là-dessus l'agent à ce moment-là en poste avait insisté auprès des pompes funèbres en disant mais vous êtes sûrs il y a pas de famille et euh l'agent des pompes funèbres qui était dans le cimetière et qui accompagnait donc la défunte avait appelé son bureau et le bureau avait répondu oh bah de toute façon c'était un contrat obsèques fait d'avance donc non elle a pas de famille elle devait pas avoir de famille c'est pas grave allez-y + sauf qu'en fait en regardant dans le dossier ben si il y avait une famille + donc voilà c'est il y a des choses comme ça euh + il y a des indélicats partout + y compris dans les pompes funèbres un certain nombre font très bien leur travail et quelques unes ne le font pas + c'est pour ça d'ailleurs que les pompes funèbres sont euh + réglementées par la préfecture et peuvent se voir retirer leur agrément + et donc du coup bah là typiquement + la question c'est qui est-ce qu'on protège + on protège euh on protège la famille qui doit pouvoir faire son travail de deuil + il y a des euh je me souviens de de cas + où il y avait des désaccords au sein de la famille + et bien là on va protéger le défunt en disant alors euh stop + on arrête tout + (mm) vous allez voir le juge aux affaires familiales et après on fait + (ouais) mais là en l'état en l'état actuel des choses c'est pas possible + c'est quelque chose que je n'ai pas vécu mais on m'a raconté par exemple une exhumation où en cours d'exhumation + à l'époque ça se faisait encore avec un commissaire de police + en cours d'exhumation une exhumation qui a été faite à la demande de la famille pour inhumer le défunt ailleurs + eh bien en cours d'exhumation on s'est rendu compte que le défunt avait eu une première femme et des enfants + qui n'étaient pas d'accord et qui n'étaient p- qui n'étaient pas au courant et surtout étaient pas d'accord + évidemment quand on l'a su le commissaire et le cime- et les agents du cimetière on dit alors là stop + on arrête tout + on referme vous allez voir le juge aux affaires familiales et après éventuellement + on fera une exhumation ou on ne fera pas d'exhumation en fonction de ce que décide le juge mais là + c'est le défunt qu'on protégeait (mm) contre les deux parties d'une famille qui qui se déchiraient s'entre-déchiraient ça doit être assez fréquent d'ailleurs ça ça arrive +(mm) ça arrive des euh on m'a raconté aussi l'exhumation d'un enfant où euh la famille de la mère a chassé le père par exemple + i- il y a voilà des cas euh + les la la mort euh crispe beaucoup de choses dans les famille (mm) + c'est quelque chose qui est vraiment très à vif et euh et effectivement nous les agents du cimetière on est au contact de ça mais quotidiennement + et comme en plus moi j'étais la chef j'étais celle qu'on appelait quand il y a un problème quand tout va bien on m'appelle pas bien évidemment + et donc du coup euh ben j'étais là pour résoudre les problèmes et au bout d'un moment c'est pas trop puisant non parce que tout tes boulots sont du même type si je comprends bien le destin d'un petit enfant délinquant c'est pas plus drôle maintenant pas tout à fait euh alors mon mari disait alors moi je raconte je je partage beaucoup mon travail avec ma famille parce que pour moi on passe huit heures par jour c'est quand même beaucoup + dans un lieu autre parce que en plus c'est enrichissant quand même + et donc du coup partager ça avec ceux qu'on aime bah + pour moi c'est important donc + je racontais beaucoup + les histoires du cimetière et puis alors il y en a certaines qui sont très drôles + et euh + et donc du coup euh + mon mari avait l'habitude de dire oh bah depuis qu'Anne est dans les cimetières notre niveau de gore est monté d'un cran + ce qui est en partie vrai mais moi ça ne m'a jamais vraiment pesé + il y a eu des histoires effectivement moins drôles que d'autres mais euh + pour moi c'est de l'humain c'est pas ça me gêne pas + je trouve ça plus difficile en plus + la mort fait que on est dans un moment où on a un le beau rôle + on est la pour faciliter pour aider les gens + moi je me souviens de euh + je me souviens d'un enterrement un jour on m'avait demandé un coup de main parce que il y avait beaucoup de voitures il fallait faire la circulation + truc très simple donc je fais la circulation et à un moment il y a quelqu'un qui descend de voiture complètement illuminé les yeux brillants + et qui me dit oh là là vous devez pas vous souvenir de moi mais vraiment je voulais vous dire merci + j'ai fait l'exhumation de mes parents avec vous et + et c'était un beau moment + et en fait + eh bien nous notre rôle c'est de faire en sorte que ces moments qui ne sont pas forcément drôle + soit des oui ça c'est des beaux moments extrêmement durs non non et ça doit ça doit fai- être des beaux moments ça doit être des moments où tout est à sa place + je me souviens d'une personne par exemple qui avait euh perdu un bébé à la naissance + euh trente ans auparavant et puis avec son mari + i- en fait ils avaient un + un caveau dans un autre cimetière et puis comme c'était un enfant mort-né eh ben les il y quarante ans quarante ans il y a quarante ans les hôpitaux n'avaient pas les mêmes politiques euh pour certains c'était directement une incinération parce que c'était considéré comme un déchet humain + pas comme une personne et là ils avaient eu de la chance q- entre guillemets l'hôpital l'avait considéré comme une personne mais par contre l'avait inhumé + comme il l'entendait donc ils avaient contacté euh les cimetières il y avait de la place à Pantin on l'avait mis à Pantin et puis voilà + et la famille avait toujours dit oh un jour on la rapatriera on rapatriera notre petite fille avec le reste de la famille un jour on le fera un jour on le fera un jour on le fera + on fait tous ça on connaît tous ça et puis le temps avait passé quarante ans c'était écoulé + trente cinq quarante ans un truc comme ça et puis un jour ils s'étaient dit allez c'est maintenant ou jamais + sauf qu'évidemment un bébé euh quarante ans plus tard + il reste pas forcément beaucoup de choses et donc du coup quand on a exhumé cette petite fille euh c'était très particulier il y avait une atmosphère vraiment particulière les parents étaient là + et donc euh on a retrouvé des petits chaussons qu'on a mis avec euh avec ce qu'on a retrouvé de cette petite fille + et en fait ça aurait pu être quelque chose de douloureux parce que c'est un bébé parce que c'est une histoire compliquée parce que parce que c'était un enfant qui était très attend- enfin qui était attendu + aimé et que je pense que les parents avaient fait leur deuil mais à l'époque on en parlait pas beaucoup et puis c'était au moment de la communion de la grande soeur et puis la moment était occupée à courir dans tout les sens + et en fait bah pour eux voilà c'était je sentais moi c'est comme ça que j'ai interprété quelque chose comme la conclusion + de de cette histoire de de leur histoire avec cette petite fille c'était un moment qu'ils lui accordaient c'était un moment où ils faisaient famille tous les trois et puis c'était un moment où + les choses rentraient dans l'ordre où cette petite fille retrouvait sa famille + et très souvent j'ai eu ce sentiment là qu'on était là pour faire en sorte que les choses rentrent dans l'ordre et c'est extrêmement gratifiant et apaisant pour tout le monde si on a la chance d'avoir un métier qui permet ça mais c'est extraordinaire moi je trouve c'est étrange cette impression de rentrer dans l'ordre alors on constate que l'on est que poussière et qu'il ne reste rien sinon des petits chaussons ben il restait quelques petits quelques petites choses quand même de cette petite fille et puis ce qui compte euh alors là bon un sujet qui qui pour moi est intéressant qui est celui de la maternité euh + qu'est-ce qui fait qu'on est parents (mm)+ qu'est-ce qui fait que moi je pense mais ça c'est ma croyance personnelle je enfin je n'ai pas la science infuse + que euh on est parent quand on se sent parent + je pense qu'on peut être biologiquement parent sans être parent + que on peut ne pas être biologiquement parent tout en étant parent (mm) et que ça a beaucoup à voir avec le sentiment et bien en fait pour la mort pour moi c'est quelque chose + d'un peu identique dans le sens + où il faut que ça rentre dans l'ordre + que l- les liens s'emboîtent que les choses soient comme elles doivent être + et en même temps + là où ça devient compliqué + c'est que parfois + il y a des familles euh qui euh + faire en sorte que les choses rentrent dans l'ordre + ça ne veut pas dire dire oui à tout ce que souhaite et veut la famille + parce qu'il y a des familles qui dans leur manière d'être en deuil + s- il y a quelque chose qui coince qui ne se passe pas et + et du coup le travail de deuil ne se fait pas le processus du deuil ne se fait pas et du coup il va y avoir tu appelles quelque chose qui coince écoutez nous c'est très simple + il y avait des tombes + on les regardait + et on disait cette famille-là + on va la voir souvent + on va avoir souvent à faire à elle + et ça va être des familles qui vont venir vingt fois nous voir + parce que il y a ceci qui va pas + parce que euh sur le bouquet de fleurs en plastic il y en a une qui manque on lui a volé + parce que euh il y a ça qui a été déplacé + parce que il faudrait savoir ceci + et + et on sent que + que ça coince + que ça fait pâle qu'il y a un truc qui passe pas + euh je vais vous donner une statistique on estime en France que les tombes sont abandonnées au bout de deux générations + c'est-à-dire qu'au bout de deux générations (mm) + soit les gens ne savent même plus où est la tombe soit en tout cas elle n'a plus suffisamment d'importance pour que ils l'entretiennent que ils continuent la la concession ou ce genre de choses + et ben en fait je pense que nos défunts ils continuent à vivre avec nous bien sûr ils sont toujours présents + ç- ça reste une cicatrice qui est toujours là + mais ça cicatrise + il y a quand même quelque chose qui se passe qui fait que petit à petit on est capable de se séparer +(mm) autant physiquement que euh que mentalement + et euh et je sens qu'il y a des familles + qui ne qui ne peuvent pas faire ça + et quelque soit le défunt d'ailleurs ça peut être des enfants comme ça peut être des adultes il y a pas de euh + je pense que le le le le grain de sable est à chercher dans le lien et pas dans le défunt en lui-même ça peut être la manière dont il est mort ça peut être je je ne sais pas ça + mais euh je constate que pour le coup ça se voit à la tombe + ça se voit euh et quand je regarde ces tombes-là et quand je regarde ces familles-là les défunts ont tous les profils + ça n'est pas forcément euh certaines communautés + ça n'est pas forcément certains âges le défunt ça n'est pas forcément certaines catégories socio-professionnelles + ça n'a rien à voir avec tout ça ça a à voir avec l'événement en lui-même et ça a à voir avec le lien entre le défunt et les vivants + et euh et donc nous + au sein du cimetière on est là pour faire en sorte qu'il n'y est pas ce grain de sable là + dans la mesure du possible bien évidemment parce que l'histoire des familles leur appartient + mais en tout cas on est là pour que ce grain de sable-là + ne viennent pas de nous et pas de l'extérieur + (mm) et c'est pour ça que je disais aux agents avec qui je travaillais + que quelque part + euh on est presque c'est presque une pièce de théâtre d'ailleurs c'est une cérémonie + il y a quelque chose du théâtre d'ailleurs j'ai une amie qui a perdu euh + mari et enfant qui a parlé + euh qui était euh très sensible aux lettres et au théâtre et qui parlait de répétitions de théâtre pour l'inhumation de ses proches + en disant bah voilà on a répété nos textes nos chansons les enchaînements et cetera + il y a quelque chose du théâtre là-dedans (mm) + et donc du coup + ben nous on est là pour la pièce de théâtre + pour faire en sorte qu'elle se déroule + de manière à apaiser tout le monde est-ce que euh ça + le la déchristianisation massive quand même euh + euh se mesure beaucoup + dans les à au moment de la mort et et est-ce que des gens prennent le relais + au + au funérarium bien-sûr mais aussi au moment de l'inhumation alors oui + euh oui il y a une déchristianisation euh ça fait l'objet de formations + (mm) ça fait l'objet de sujets entre nous euh professionnels du cimetière + euh de discussions et cetera alors bon parfois euh + poussée ou pas poussée + moi j'ai une théorie que tout le monde ne partage pas forcément + moi je suis persuadée qu'on ne peut pas se passer de rituels + (mm) et que c'est juste qu'on invente de nouveaux rituels + je prends un exemple qui n'a rien à voir avec la mort qui est la question du mariage + euh on ne se marie plus à l'Eglise comme on se mariait à l'Eglise avant + ça c'est sûr et certain + pour autant + les gens maintenant on du mal à imaginer un grand mariage sans Powerpoint (mm) sans Powerpoint ah oui sans une projection à un moment des photos euh avec des petites animations et cetera et d'ailleurs c'est quelque chose qu'on retrouve aussi dans les inhu- dans les inhumations absolument les photos des défunts il faut qu'il y est une photo alors si c'est pas un Powerpoint parce qu'on a pas de quoi projeter il faut de la musique et des images (mm) + et euh et en fait il y a alors vous n'aurez pas vous n'aurez plus de messe vous n'aurez plus une liturgie comme avant + mais il y a de la musique et des images + et moi je je pense que + c'est des nouveaux rituels qui prennent le pas + alors ce que par contre on me me disait les entreprises de pompes funèbres et euh là je pense que c'est très vrai aussi + on va vers une personnalisation maximale + de ce genre de choses + je m'explique je m'explique quand j'étais à mon école de commerce + on avait euh un cours sur les tendances + qui était extrêmement intéressant de personne qui nous parlait de + de ce qui se passe dans l'air du temps alors ça date d'il y a vingt ans + et euh je me souviens d'un cours où on avait f- il avait axé ça en sur la personnalisation + en disant que + la tendance je parle de ça début des années deux mille était à l'ultra personnalisation ça va de la petite gravure qu'on peut faire sur son sac à main par exemple + ça va de la photo qu'on glisse dans son porte-clé c'était ça à l'époque + ça va euh c'était le début des fonds d'écrans + des téléphones portables et des sonneries qu'on téléchargeait je sais pas si + si ça parle encore à des gens ça + mais donc voilà c'était le début de ce genre de chose et ce mouvement-là c'est euh amplifié j'en suis persuadée + et les cérémonies sont particulièrement touchées par ça + ce qui fait que dans les cimetières on voit effectivement alors il y a toujours des euh des euh + des rites funéraires d'autant plus que Pantin est un Pan- est un cimetière qui est marqué par la communauté juive + il y a une énorme communauté juive à Pantin à tel point que moi j'ai entendu des pompes funèbres + juives me dire non mais de toute façon c'est notre cimetière ici + alors non + pas tout à fait + et il n'y a pas que des enterrements de la communauté juive loin de là + mais euh c'est vrai que du coup et on avait quand même un certain nombre de cérémonies religieuses au sein du cimetière + c'est sûr et certain et donc du coup on était euh + on était quand même euh + bah aux premières loges on les voyait + on les voyait et on pouvait les X X encore beaucoup de rabbins non parce que il y a au contraire une religiosité plus exactement d'autant plus que les + d'autant plus que euh les cérémonies juives + à l'inverse des cérémonies catholiques particulièrement + euh se font au bord de la tombe voilà c'est alors que les cérémonies catholiques ils pouvaient on pourrait avoir un certain nombre de défunts qui étaient passés par l'Eglise + et on le voyait pas et on le savait pas + donc voilà c'était pas forcément euh significatif + après on on voit des cérémonies euh mais même de personnes + enfin moi je me souviens d'une inhumation d'une personne euh juive mais pas pratiquante + et je sais même pas si elle était croyante + la famille a euh souhaité rendre hommage différemment + alors les hommes portaient la kippa + et il y avait une étoile de David sur le cercueil + pour autant il y avait pas de rabbin et euh il y a eu plein d'autres choses + donc voilà c'- là aussi c'est très euh X très personnalisé d'accord + donc c'est un beau métier finalement moi je trouve que c'est un un métier absolument passionnant + c'est un métier euh très enrichissant alors au niveau du management parce qu'on encadre + dans des circonstances quand même très particulières enfin moi je je devais travailler avec des fossoyeurs qui sont quand même des gens qui descendent dans des fosses pour tenir parfois à bout de bras alors certes avec des équipements de protection mais quand même + euh des cercueils qui sont parfois décomposés des euh des corps des choses comme ça + c'est un rapport au corps très particulier la sécurité j'en parle même pas parce que euh on a beau étayer les fosses on a beau ceci on a beau cela + on est à l'abri de rien + je je me souviens d'un accident de travail où il y a quand même une une partie de euh de la fosse et d'un tas de terre qui a atterri sur un fossoyeur ce qui n'est pas anodin + bon ça s'est bien fini mais euh mais cela n'empêche que ça reste des métiers qui sont dangereux comme les métiers du BTP + les accidents de travail c'est clair que ça n'est pas du tout la même chose dans un bureau et quand on est fossoyeur ou quand on est cantonnier + ou même quand on est agent de sécurité + je me souviens d'un usager euh qui avait pris un sens interdit + un agent qui lui faisait remarquer qui voulait pas en démordre le qui m'appelle on se retrouve trois quatre + à essayer d'expliquer les choses au monsieur qui était extrêmement énervé il est remonté dans sa voiture il a fait une marche arrière et il a foncé + on a j'ai juste eu le temps d'agripper ma collègue et de me jeter sur le côté on a un rapport effectivement à la sécurité au corps qui est euh qui est différent et euh + et d'autant plus que moi j'y étais j'y suis rentrée à j'y suis rentrée ben j'y étais au moment euh de du Bataclan + et être en uniforme avec écrit sécurité + en novembre deux mille quinze c'est très particulier en plus à l'époque j'habitais à la Défense il y avait un projet d'attentat qui a été déjoué à la Défense + dans la semaine qui a suivi le Bataclan par la cellule qui a fait le Bataclan + je dois dire que j'étais pas forcément tous les jours sereine d'être en uniforme sur le pavé c'est quelque chose que je ne connaissais pas + mais j'ai compris euh ce que j'ai ce que les gens ressentent + et euh une question saugrenue pour le coup les enfants Adrien euh quand on lui demandait ce que faisaient maman et papa qu'est-ce qu'il répondait pour maman euh je crois pas que c'- je sais pas du tout + je crois pas que euh + en tout cas il m'en a pas parlé + euh moi je venais le chercher à l'école en uniforme + j'avais aucun problème avec ça + les parents d'élèves qu'on côtoyait euh était au courant enfin il y avait pas de sujet + après on acquiert aussi un sens de l'humour dans les cimetières + ce que moi j'appelle l'humour cimetière + qui est euh + qui est très particulier qui moi me fait hurler de rire je je suis très sensible à ce genre de chose parce que en plus un amour par l'absurde absolument incroyable et on avait un un + un agent qui est parti en retraite quand moi j'y étais et qui était mais un spécialiste de ce genre de choses + un usager lui disait oh mais quand même + qu'est-ce que ça vous ça vous fait rien de travailler dans un cimetière et il répondait si + ça me fait vivre + c'était euh + enfin je c'est un je me souviens d'un usager qui se plaignait de l'état du cimetière parce qu'il y avait des feuilles mortes à la Toussaint + et que on avait ramassé les feuilles et on avait enlevé la plupart des tas de feuilles mais il y avait un ou deux tas de feuilles qui étaient restés + donc l'usager se plaignait + et euh l'agent l'écoute très très très sérieux euh jusqu'au moment où un peu à court d'argument l'usager lui dit oui et p- puis bien sûr vous allez qu'est-ce que vous comptez faire vous allez rien faire bien sûr hein + là-dessus l'agent très sérieux lui répond si + nous allons délocaliser la Toussaint au mois d'août + bon voilà il y a on développe ce genre d'humour + qui moi personnellement me fait beaucoup rire (mm) + c'est euh et gérer des agents qui disaient euh + on est mal payés mais qu'est-ce qu'on se marre quand même hein + (mm) je euh voilà je j'avoue que c'est effectivement un métier qui n'est pas forcément toujours facile + pour toutes les raisons que j'ai dites mais euh c'est effectivement un métier qui euh développe ce genre de choses mm + je crois qu'on va s'arrêter parce que + toute l'heure du déjeuner de la pause est passée pas de soucis merci beaucoup je je voudrais juste rajouter euh une chose + paradoxalement + je trouve ça plus facile de travailler sur la mort + que euh sur les vivants + sur la mort euh il y a quelque chose qui est déjà joué + la personne elle est décédée on pourra rien n'y changer + je pense que c'est + beaucoup plus facile de travailler dans un cimetière que dans un hôpital par exemple et en tout cas une chose est sûre + c'est beaucoup plus facile de travailler dans un cimetière que de travailler + euh là je travaille actuellement à la protection judiciaire de la jeunesse + avec euh des parcours de vie cabossés + des gens qui ont vécu des choses extrêmement dures + et qui + font des choses extrêmement dures + qui dans un premier temps peuvent parfois paraître à sourire + mais quand on creuse un peu sont dramatiques + et euh autant je racontais euh mes histoires de boulot comme dit mon mari au euh cimetière + autant euh ici j'ai décidé de ne pas le faire + justement pour préserver mes enfants + parce que c'est une réalité euh qui euh quand on la prend en pleine face + est vraiment très très rude + euh on parle beaucoup de euh jeunes mineurs non-accompagnés qui ont vécus des choses épouvantables + c'est vrai + on ne voit pas tout ce que de jeunes mineurs euh + accompagnés et français et et cetera vivent parfois ici (mm) aussi en France + ça peut être vraiment terrible + et euh et ça je trouve ça + beaucoup plus violent beaucoup plus dur à raconter à des enfants + d'autant plus que ça ça parle de leur père + de de jeunes qui ont le même âge qu'eux + que de raconter euh une famille qui sort apaisée d'un enterrement (mm) + je je me souviens d'exhumations où on a ri + d'exhumations où on a pleuré + où on a vécu les quatre saisons le en même temps qu'une exhumation + voilà moi quand je vais passer le concours à un moment je discutais au moment de l'oral il y a il y a une dame qui m'a dit qui me dit qui elle passait le concours en interne donc qui connaissait déjà elle me dit non non mais dans les cimetières parfois on pa- parfois on pleure euh avec les familles et ils pleurent sur notre épaule + je nuance un peu parce que dans quand une famille est dans la douleur et dans cette tempête-là qu'est le deuil + ils ont besoin de pilier qui justement ne pleure pas pour s'appuyer + mais c'est beaucoup plus facile beaucoup plus simple + que euh que d'accompagner + des euh des mineurs qui se retrouvent devant un juge + et même chose pour les parents oui et puis + peut-être la tendance de notre société à penser que les choses sont pliées très tôt + enfin peut-être peut-être pas alors après là on je on est sur un terrain éducatif + sur lequel je m'aventurerai pas parce que je le connais mal + et parce que c'est pas mon métier moi je suis pas là pour ça je suis là pour m'assurer que les équipes aient ce qu'il faut + euh mais euh + mais en tout cas euh + je je pense que la mé- la société ne met pas forcément la difficulté là où elle doit être + je pense que c'est + plus facile de se remettre d'un deuil + enfin moi je + pour par certains aspects je trouve ça plus facile de se remettre d'un deuil que d'un passage devant le juge + c'est c'est quand même pas simple en tant que oui oui oui oui + bon la vie de toute façon c'est + X complications et + une épreuve une autre et il faut voilà tenir le coup et en tout cas bah ces choses-là c'est des choses qui sont euh + qui sont de toute façon euh plus compliquées que euh que bien des choses qu'on peut lire dans le journal + (mm) je trouve + bon voilà en tout cas on met pas la difficulté on on a très peur de la mort + ça c'est sûr + la peur de la mort a beaucoup augmenté je sais pas si c'est lié à la désacralisation ah bon bah en tout cas on est beaucoup moins familiers d'elle on ne voit plus les morts + ça c'est sûr + les euh on en fait plus de toilette les familles ne font plus de toilette mortuaire ne font plus ce genre de choses + on ne voit plus les gens mourir beaucoup moins + (mm) euh donc il y a il y a peut-être cette distance-là cette cette peur ce ce qu'on redoute peut-être plus + mais euh honnêtement je je pense qu'on en redoute pas les bonnes choses enfin il y a mort et mort je + je vais arrêter mais je viens + de perdre un un petit-fils par adoption euh + euh + il n'a pas vécu donc ces ces morts-là + euh c'est des morts terribles + (mm) c'est + c'est une mort à mon âge c'est pas dramatique évidemment toute la vie est derrière moi